Le Vaud, le 17 mai 2021
La vérité, toute nue,
Sortit un jour de son puits.
Ses attraits par le temps étaient un peu détruits;
Jeune et vieux fuyaient à sa vue.
La pauvre vérité restait là morfondue,
Sans trouver un asile où pouvoir habiter.
A ses yeux vient se présenter
La fable, richement vêtue,
Portant plumes et diamants,
La plupart faux, mais très brillants.
Eh! Vous voilà! Bonjour, dit-elle:
Que faites-vous ici seule sur un chemin?
La vérité répond: vous le voyez, je gèle;
Aux passants je demande en vain
De me donner une retraite,
Je leur fais peur à tous: hélas! Je le vois bien,
Vieille femme n'obtient plus rien.
Vous êtes pourtant ma cadette,
Dit la fable, et, sans vanité,
Partout je suis fort bien reçue:
Mais aussi, dame vérité,
Pourquoi vous montrer toute nue?
Cela n'est pas adroit: tenez, arrangeons-nous;
Qu'un même intérêt nous rassemble:
Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble.
Chez le sage, à cause de vous,
Je ne serai point rebutée;
A cause de moi, chez les fous
Vous ne serez point maltraitée:
Servant, par ce moyen, chacun selon son goût,
Grâce à votre raison, et grâce à ma folie,
Vous verrez, ma soeur, que partout
Nous passerons de compagnie.
Jérôme Boujol